L'appel
- Marielle Tremellat
- 17 juin
- 5 min de lecture
« Asphyxié par l’habitude et manquant cruellement d’oxygène dans un univers mis sous clé et sous scellés, n’avez vous jamais éprouvé, vous aussi, l’envie irrépressible d’ouvrir grand les portes, les battants des fenêtres, soupiraux insidieux, les vasistas sournois et les hublots étriqués de nos lunettes pour délivrer votre poitrine oppressée ? » … « Ne vous êtes vous jamais perçu telle une branche élaguée de son arbre, coupée de la sève de la Vie ? » … « Malaises, tensions, cri perçant d’une partie amputée de l’être dans un quotidien boiteux. » … « Que demain, je continue l’aujourd’hui, et qu’aujourd’hui, je continue l’hier soit le mantra qui constitue la tiède substance de mes jours ? C’est non et trois fois non, comme un cri surgi de mes profondeurs ! La Vie ne peut pas rêver cela pour moi. Je refuse d’être la grande absente de mes heures, de me contenter d’instants insipides, de traverser cette existence en restant à sa surface, sans être ardemment vivante, sans me vivre pleinement !
Aller voir plus loin, plonger vers l’ailleurs, peut-être est-ce dans ce lointain que se trouve l’ancre de mon existence ... ».
Ces premières lignes du livre « Comme une feuille de thé à Shikoku » de Marie-Edith LAVAL résonnent dans mon coeur et viennent confirmer le choix que nous avons fait avec Marielle de trouver la liberté de voyager à la rencontre de nous mêmes, de ce qui nous fait vibrer. Cette décision de faire de la voie du loup notre voie et d’ainsi aller à la rencontre du vivant s’est progressivement enracinée dans nos coeurs respectifs au fil des ans pour devenir une évidence, celle de créer notre vie et de la vivre pleinement plutôt que de subir un rythme que nous nous imposons depuis bien trop longtemps pour faire société et par peur de quitter cette dernière. Mais, nous sommes appelés ailleurs, on ne sait pas où encore, un ailleurs où nous ferons de notre vie un espace d’expériences et d’épanouissement, un ailleurs qui nous donnera l’occasion de voir, sentir, ressentir, exprimer, rencontrer, des joies, des peines, des envies, des besoins, des histoires, des voyages.
Je suis actuellement et depuis le début de l’année 2022, Directeur d’une association d’éducation à l’environnement. Toutes mes expériences passées semblaient me mener à ce poste clé dans une association portant un projet riche et très en phase avec mes valeurs sur la relation au vivant. Je me suis investi sans compter, mon esprit étant H24 à planifier et explorer des pistes, des solutions pour répondre aux besoins de l’association. Mon intellect se délecte ou plutôt s’est délecté, chaque instant étant pour lui le moyen de s’épanouir en travaillant au service d’un projet, d’une société porteuse de valeurs, au service des salariés. Je précise bien qu’il « s’est délecté » car aujourd’hui ce poste de directeur d’association d’éducation à l’environnement que j’avais rêvé quand j’étais enfant est devenu une prison pareille à la configuration de mon bureau qui ne dispose que d’une fenêtre haute qui ne me permet que de voir le ciel.
Est-ce l’incendie de ma maison 3 jours après ma prise de poste en 2022 ? Est-ce le retour d’un ami, que dis-je un frère, revenu en 2024 dans notre vie après 10 ans sans nouvelle ? Sont-ce nos escapades avec Popo, notre van T3, dont une période intense de sérénité passée en 2023 en Ardèche ? Ou peut-être tout cela à la fois … fait qu’en 2024 j’entre dans une période difficile de disharmonie intérieure. Comment aimer et haïr à la fois ce que nous sommes en train de vivre ? C’est ce que j’ai vécu pendant près de 6 mois en 2024, 6 mois à tout d’abord me demander ce que j’avais, à mettre en avant ma grande fatigue intellectuelle avant de comprendre que ce mal être provenait de mon être intérieur à ce point oppressé qu’il me criait de fuir, de changer de vie pour cheminer vers un ailleurs plus nourrissant. Ce fut une décision difficile, car le sentiment d’abandonner un rêve, des collègues, un projet auquel je crois, mais une décision nécessaire pour mon équilibre personnel, ma santé physique, mentale et spirituelle.

Ces étapes charnières, je pense que nous sommes nombreux à en vivre au moins une fois au cours de notre existence. La vie est impermanente et bien souvent elle nous pousse à aller expérimenter d’autres choses. Ceci fait écho avec les enseignements de Luis Ansa recueillis par Robert EYMERI dans un ouvrage intitulé « La voie du sentir » qui disent cela : « Revenir au corps, voilà le grand secret ! Revenir à l’expérience du corps dans la vie sensitive. Revenir à tout ce que l’on récolte sensitivement, émotionnellement, et qui permet, non pas de nourrir le mental, mais un autre corps d’entendement. » … « Mais pour cela, il faut nourrir sa vie, la créer, sortir de la répétition et du connu. Ce connu est une base extraordinaire, mais c’est aussi un piège énorme parce qu’il n’offre pas l’opportunité du changement. »
La répétition, j’ai enfin pris conscience que mon être ne pouvait s’épanouir dans la répétition du connu et qu’il avait au contraire besoin de faire de nouvelles expériences, d’aller à la rencontre de nouvelles aventures.
En prendre conscience ne m’enlève pas la peur de notre choix de changement. Peur de l’inconnu, peur de subvenir à ses besoins, peur de ne pas réussir, peur, peur, peur … Toutes ces peurs ne sont qu’illusions nourries par une partie de moi qui ne veut surtout pas que j’accède à ma partie profonde, « divine ». Cette peur d’accéder à ma grandeur, je vous la partage dans un texte que j’ai écris dans le train, un jour où je n’avais pas encore pris la décision de cheminer dans cette direction.
« … Et pourtant, je ne me sens plus en accord avec ma vie. J’ai besoin d’autre chose, j’ai besoin de vivre, j’ai besoin d’être heureux de vivre chaque instant de ma vie. Et ce n’est pas le cas aujourd’hui. Et je sens bien que cela me rend malade.
En discutant avec Marielle hier, nous partageons le même constat, le sentiment de s’éteindre à petits feux.
Ce matin, les mots de Grand Père Joseph, un homme-médecine canadien, résonnent dans ma tête et mon coeur. « La mission de tout être humain est d’être heureux. » Et je ressens aujourd’hui toute l’importance de ces propos qui m’arrivent encore plus comme une évidence. Être heureux, vivre pour vivre et non trimer, déprimer pour avoir l’impression de ne vivre que pour s’acheter des instants de vie de bonheur.
Être heureux, soit mais de quoi ai-je besoin ?
De liberté – bouger
De voir du pays – bouger
De rencontrer le monde – bouger
De vivre en lien avec la nature … Quand je ferme les yeux, les paysages défilent et une sensation de cheminer à la découverte de ma nature profonde. C’est un appel. »
Yann DELAHAIE
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